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Des écrits poétiques et littéraires agrémentés de photos ou de tableaux et aquarelles... le monde sensible transfiguré par les mots et les couleurs.

Ah, mon père !

Publié le 4 Mars 2014 par Nicole Fack

Ah! ça n'a pas été long. Les vigiles ont rappliqué, avec leurs gros bras et leur air rogue. Ils ont attrapé le premier qui leur est tombé sous la main, c'était Thomas qui n'est ni bien gros ni bien musclé. Tenu au colbac par un colosse à petite tête, c'est à peine s'il touchait encore tête, l'autre vociférait comme un diable, le secouait, et il finit par le jeter loin de lui, comme on jette une pomme pourrie. Le cordon de vigiles nous faisait face, avançait doucement, nous faisant reculer. Mais je ne m'avouais pas vaincu, je continuais de m'adresser à la foule qui, attirée par le désordre, grossissait à vue d'oeil:

-Vous voyez-là le visage de ce pouvoir, celui de l'argent. Pour faire du profit, ils sont prêts à bousiller vos enfants, encore un peu, ils nous tueraient au nom de la liberté d'entreprendre. Mais vous, les petits, où est votre liberté? Regardez-vous, vous ressemblez à un troupeau, défilant à la queue-leu-leu avec vos caddies. La seule liberté qui vous reste, c'est d'obéir à ces richards qui se foutent de vous, qui vous entubent quand ils ne vous empoisonnent pas. Ah, elle est jolie, la société de consommation !

-Tu nous insultes, là, dit une voix dans la foule.

-Non, je tente de vous ouvrir les yeux, répondis-je, revenez aux vraies valeurs. Ici, on dit que c'est le temple de la consommation, mais où est Dieu ?

-Il n'a pas tort, dit une femme. Si on pouvait, on s'en passerait de cette merde industrielle sans goût, sans consistance. C'est une pompe à fric, rien d'autre et nous, on marche parce qu'on est cons, voilà. Pendant ce temps, les commerçants avaient dû appeler la police, parce que les flics rappliquèrent, armés de matraques. Ils nous agrafèrent tous et nous firent monter dans le panier à salade, lequel ne sert jamais aux maraîchers, et nous conduisirent avec force "pin-pon" au commissariats du lieu, c'est à dire, de nouveau, de la préfecture. Le commissaire eut un soupir en nous voyant. Des inspecteurs, installés devant les ordinateurs, commentèrent les interrogatoires de mes compagnons. Le commissaire me fit entrer dans son bureau:

-Je te l'avais pourtant dit, de te tenir à carreau, commença-t-il sans préambule. Après la boutique de l'évêque, tu t'attaques au centre commercial, tu ne manques pas d'air !

-Nous n'avons rien cassé, Monsieur le Commissaire, dis-je, en y mettant le maximum de déférence. Notre but n'était pas le vandalisme, nous ne sommes pas des vandales, je vous l'ai déjà dit, nous sommes les émissaires de mon Père.

-Ton père ? lequel ? J'ai pris des renseignements sur toi, depuis l'autre jour, je savais que tu recommencerais, les illuminés recommencent toujours. Ton père, le Joe, n'est pas un militant, lui. Il aurait plutôt tendance à chercher l'évasion dans la bière, à ce qu'on dit. On dit aussi d'autres choses sur ta famille... mais parle-moi de ton père.

-Joe, je l'aime bien, mais ce n'est pas mon père. Il a juste épousé ma mère, nuance !

-C'est bien ce qu'on m'a dit. Alors, de qui parles-tu quand tu parles de ton père?

-Il me semble que je vous l'ai dit l'autre fois: je parle de Dieu. Je suis le fils de Dieu. Mon père m'a envoyé sur terre pour instruire les hommes et racheter leurs pêchés.

-Et comment s'y est-il pris, ce père, pour te concevoir?

-Je ne sais pas vraiment. Ça n'a pas d'importance, d'ailleurs.

-Crois-tu? Demande à ta mère si Dieu, dans son désir de racheter les Hommes a mis son céleste sperme dans les organes du pharmacien, par exemple...

Ah, mon père !
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