SOUVENIRS EN VRAC

Les enfants grandissent, c'est inévitable. C'est d'ailleurs un bonne  chose, car les peines des bébés sont obscures et paniquent les mères inexpérimentées. Le langage lui est venu très tôt : d'un voyage scolaire à Dieppe, je lui avais ramené une poupée tout à fait charmante avec sa robe bleue et son chapeau de paille blanc. Elle avait neuf mois et quand je suis rentrée, elle dormait, mais il faut croire qu'une mystérieuse alarme a retenti dans son coeur aimant, car elle a ouvert les yeux. Je l'ai prise dans mes bras, je l'ai embrassée et puisqu'elle était éveillée, je lui ai présenté sa poupée. Poupeu... a-t-elle dit, avec sa toute petite bouche. Neuf mois ! j'étais très émue. Les mots, donc furent présents très tôt et elle put exprimer ses désirs et ses besoins avec plus de clarté qu'un bébé. Cependant, on ne peut dire que ce dont on a conscience. Elle avait souvent des angoisses que je ne comprenais pas et sur lesquelles elle ne savait poser aucun mot. On dirait une personne déprimée, dis-je à son père. Fin de non recevoir: un enfant ne déprime pas ! j'étais ridicule.