SOUVENIRS EN VRAC

Assis près du lit, le père n'était pas plus brillant. il n'avait pas porté cette petite chose pendant neuf mois, malgré tous ses efforts pour partager l'attente. Il n'avait pas eu de nausées, son corps ne s'était pas déformé... et voilà que, tout à coup, il se trouvait en présence d'un être inconnu et qui était sien, pourtant. Il ignorait quelle place cette nouvelle venue allait occuper et craignait surtout que ce fût la sienne. Déjà, elle s'appropriait le sein que lui seul avait le droit de caresser, de suçoter... ça alors ! le passage au biberon permit aux chose de rentrer dans l'ordre. Un homme sait exiger, même sans parler. Ce ne serait pas la dernière fois.    Sa crainte était de me voir reporter tout mon amour sur mon enfant ; le privant, lui, de ses privilèges. Classique, bien sûr, mais comment l'éviter ? Depuis cinq ans, je ne vivais que pour lui ; toujours disponible, toujours prête à sortir, à le soutenir dans les épreuves, jamais fatiguée. Et voilà que l'accouchement m'avait épuisée, que le bébé pleurait la nuit, qu'elle mangeait peu mais souvent, nuit et jour ; et que ce nouveau rythme de vie me détournait des jeux érotiques. Il était malheureux, je ne voulais pas le savoir. Grave erreur qui me vaut aujourd'hui de vieillir seule.