Il y a près de chez moi, un trottoir avec des bancs de béton; bien durs, mais sans ces nervures inconfortables qui interdisent qu'on s'y allonge.
Il y a là, très souvent, depuis très longtemps, un homme qui attend ; un de ces malheureux qu'on appelait dans ma jeunesse des Sans Abri et qu'on acronymise aujourd'hui sous la forme aseptisée et méprisante de SDF.
A cet homme-là, je donne pour ainsi dire tous les jours, une pièce pour l'aider à manger un peu, à boire une bière aussi, bien sûr ; qui lui reprochera de se consoler dans la mousse ?
Depuis que nous sommes confinés, je ne le vois plus, et je me demande ce qui lui arrive, ce qui leur arrive, à ces malheureux qui vivent au niveau du trottoir, au niveau de nos pieds, à portée de notre condescendance...
Avant, je pestais déjà contre ce monde qui marginalise, qui trie, qui méprise. Aujourd'hui, je ne peste plus, je pleure.