Il fut un temps où le sens de l'honneur était une valeur très importante. Dans la noblesse, d'abord, seule autorisée à porter les armes et par là-même chargée de protéger les autres. Manquer à ces devoirs envers son suzerain comme envers ses vassaux était considéré comme la pire des déchéances : les seigneurs brigands (comme celui des Baux de Provence, par exemple) se voyaient par leur roi, destitués, leurs châteaux rasés, leurs biens confisqués. On ne rigolait pas avec l'honneur, dans ce temps-là !
L'honneur a toujours été lié à la parole, d'où la formule Parole d'honneur qui n'était pas un vain mot. Manquer à sa parole, c'était en quelque sorte, perdre sa nature humaine. Nombre de suicides ont résolu de manière radicale la honte dans laquelle ne pouvait vivre celui qui s'était renié. Et cela n'a pas seulement concerné les hautes sphères de la société, lesquelles, longtemps, lavaient leur honneur bafoué sur le pré. (Avant que le roi interdise cette pratique qui le privait d'excellents éléments pour ses guerres incessantes. )
Même les lycéens ont longtemps connu le tableau d'honneur sur lequel on inscrivait les noms de ceux qui s'étaient particulièrement bien conduits, socialement autant que scolairement.
Alors, comment se fait-il que depuis quelques temps, le sens de l'honneur se réfugie dans la culotte des filles ? Valeur virile par excellence, qui exigeait l'engagement voire le sacrifice, l'honneur a glissé progressivement : une jeune fille qui perdait sa virginité perdait du même coup son honneur ! Pire : le frère, le père, la famille d'une jeune fille "fautive" étaient déshonorés par cette perte, y compris lorsque le responsable était un violeur contre lequel ces messieurs les champions de la virilité n'avaient pas assumé leur devoir de protection envers le "sexe faible".
La société occidentale a fini par renoncer à la condamnation des pratiques sexuelles avant mariage. D'ailleurs, la mariage n'y est plus central. Mais il existe des retours pervers à ces pratiques, et notamment, le refus de considérer qu'un viol est un déshonneur, non pour la femme mais pour l'agresseur.
L'homme d' aujourd'hui ne se sent pas déshonoré quand il agresse une fille, au contraire, il s'affirme en tant que mâle. Et il ajoute à sa connerie le seul geste qu'il connaisse pour arguer de son honneur : le doigt du même nom ! ... époque lamentable.