Nous sommes dans une époque d'approximation et de brouillage. C'est étonnant, comme les Français utilisent le mot PRET, au lieu du mot EMPRUNT. L'autre jour encore, j'entendais un metteur en scène de théâtre bien connu, racontant ses débuts et le fait qu'il avait dû faire un prêt pour monter sa première pièce. Une seconde durant, je me suis dit, "s'il était assez riche pour prêter de l'argent, il pouvait aussi mener à bien sa première oeuvre..." et puis, bien sûr, écoutant la suite, j'ai compris qu'il n'avait pas prêté, mais emprunté de l'argent.
D'où vient que mes concitoyens répugnent à faire un emprunt et préfèrent faire un prêt ? Peut-être, en bons néo-libéraux, préfèrent-ils obscurément se trouver du côté du créditeur ? Il faudrait creuser cette piste, car la confusion est récente. Autrefois, au temps de l'inflation galopante, on considérait qu'il valait mieux acheter à crédit que payer cash. Dans ce temps-là, pas de problème, personne n'avait honte d'avoir des dettes. C'était en somme un placement. Aujourd'hui, quand nos dirigeants , nos économistes, nos journalistes montent en épingle les dettes colossales des Etats comme la France pour justifier la redistribution à rebours, plus personne n'ose employer le mot emprunt. Et que dire de la Grèce dont on alourdit sans cesse la dette en prétendant la guérir...
C'est pourtant simple : au lieu d'utiliser la tournure faire un... utiliser directement le verbe de référence, prêter ou emprunter. Mon metteur en scène de tout à l'heure ne se serait pas trompé s'il avait dit: Pour monter mon premier spectacle, j'ai dû emprunter de l'argent à une banque. Mais l'époque, on l'a vu dans les articles précédents, n'est pas à la concision !
Merci de m'avoir prêté attention, et permettez-moi de l'emprunter encore un peu à l'avenir !