LA DOULEUR (FILM D'EMMANUEL FINKIEL)

Transposer au cinéma le livre de Marguerite Duras, publié dans les années 80 par le regretté P.O.L, était un défi de taille. Il y fallait la subtilité, la sensibilité mais aussi l'intelligence d'Emmanuel Finkiel. L'impudeur totale de ce journal des jours d'attente ne pouvait se dire que par la sobriété de la mise en scène, l'intensité des regards, les mots mêmes de Marguerite et ces sortes de boucles narratives dans le flou des coeurs qui se serrent. Car, si Marguerite est angoissée, nous, spectateurs, le sommes aussi. Et cette douleur qui devient la compagne quotidienne se mue en raison de vivre. Elle attend son mari qu'elle n'aime plus, pourtant. Son avenir est avec Mascolo, elle le sait, ils le savent tous. Mais avant, il faut vivre cette parenthèse terrible dans ce Paris contradictoire où la pénurie côtoie la côte de boeuf et le Champagne. Avec beaucoup de finesse, Finkiel renonce à mettre en scène la fin du roman qui décrit la difficulté qu'il y a à s'occuper d'un corps détruit,  à chaque instant prêt à franchir la lisière entre vie et mort. Le voyeurisme ne sera pas satisfait: on ne représente pas l'irreprésentable.

Mais la subtilité ne s'arrête pas là: Finkiel met en regard une autre attente, celle de cette mère juive dont la fille infirme a été emmenée à Auschwitz et qui lave ses robes, et qui les repasse, et qui cire ses chaussures et qui veut croire, envers et contre tout qu'elle reviendra. Dans ce rôle, Shulamit Adar illumine l'écran de son sourire désemparé et plein d'amour.

Les autres acteurs sont superbes également, surtout Mélanie Thierry qui trouve là un rôle à sa mesure. 

Voyez le film, lisez ou relisez le texte : un grand moment d'humanité.