Oui, mes chers enfants, je voudrais vous confesser ici mes pêchés. A l'âge que j'ai, vous pensez bien que je prends de la distance, c'est bien le moins. Et je suis atterré: mon premier pêché, c'est évidemment l'orgueil, et cela, dès le début. Sur les dix commandements que j'ai donnés à ce gros naïf de Moïse, les trois premiers Me concernent.
-Je suis le seigneur ton Dieu
-Tu n'auras d'autre Dieu que Moi
-Tu ne prononceras pas le nom de Dieu en vain.
Quel charabia ! tout ça pour me rassurer sur ma propre puissance, au fond. C'est que dès le début, j'ai su que ma création était ratée, mais je ne voulais pas le reconnaître, je reportais la faute sur vous, pauvres humains, vous qui ne disposiez alors que d'une puissance bien limitée. Et le commandement qui suit n'est guère plus utile : souviens-toi du jour du sabbat. Encore un truc pour vous empêcher de vivre, et ce, en Mon nom. J'avais la grosse tête, à l'époque, croyez-moi !
J'ai donc, dès le début, pêché par orgueil. Quand je vous regardais vous débattre avec vos pulsions violentes, avec vos envies coupables, je me sentais tellement supérieur à vous ! cela me faisait beaucoup de bien, de vous regarder, pauvres fourmis laborieuses dévorées par la culpabilité. Je me sentais vraiment Dieu, l'introspection n'était pas mon fort, décidément. Et le temps a passé, comme ça: vous avez tout supporté, comme ça, en assumant la culpabilité, en baissant les yeux, en courbant l'échine et en continuant de M'honorer, sans jamais me remettre en question. Franchement, mes chers enfants, je vous admire, si, si ! et ce, depuis longtemps. Quand j'y pense: quarante ans à errer dans le désert pour éprouver votre résistance et votre foi, c'est d'une cruauté ! bon, d'accord, je vous ai nourris chaque jour... c'était bien le moins ! Mais quand vous en avez eu assez de Ma présence fantomatique et que vous vous êtes tournés vers une idole bien réelle et plus brillante que moi, je peux vous le dire aujourd'hui, je vous ai compris. Cependant, je ne pouvais pas vous laisser faire, perdre le contrôle, j'ai donc dicté à Moïse l'interdiction des idoles. Bingo ! Ils ont désobéi, eh bien, tue-les tous, je ferai le tri. Là, j'étais heureux, je mesurais ma puissance intransigeante, je retrouvais le frisson que j'avais éprouvé quand Abraham a accepté de sacrifier son fils Isaac. J'étais jeune encore, ma cruauté n'allait pas jusqu'à l'accomplissement, j'ai rigolé : T'es con, Abraham, je lui ai dit, tu ne m'as pas pris au sérieux, quand-même ! mais depuis ces temps lointains, je me suis aguerri. Plus jamais je n'ai renoncé à un beau carnage, à une belle punition collective, à un joli massacre d'innocents. Et vous m'avez bien aidé : Je vous avais créés à mon image, alors, forcément, vous y avez pris goût, vous aussi. Et je dois dire que vous avez fait preuve d'une imagination formidable ! C'est bien simple, en vous voyant faire, j'étais à la fois fier de vous, en tant que père, et jaloux de votre réussite. Un père sait qu'un jour ses enfants vont le dépasser, ça ne l'empêche pas de leur en vouloir. Ëtre détrôné, n'est jamais agréable, même pour moi. Bon. Je me suis résigné, je vous ai laissé les guerres, les massacres et je me suis concentré sur la nature: inondations; ouragans, tremblements de terre... facile ! la nature m'obéissait sans chercher à faire mieux que moi. J'étais tranquille jusqu'à il y a peu. J'ai découvert que là aussi, vous aviez réussi à prendre le dessus. Des catastrophes climatiques ont lieu, sans que j'y sois pour quoi que ce soit. Mes chers enfants, vous êtes en train de détruire Ma création,et le pire, c'est que vous ne le faites même pas exprès ! Ma parole, vous étiez en train de me pousser vers la sortie. D'ailleurs, les églises étaient vides, et les mosquées, et les synagogues ne valaient guère mieux. Alors là, j'ai vu rouge. Mon orgueil bafoué a failli m'étouffer. Mais je me suis remis au boulot et j'ai fini par trouver : vous aviez concentré votre créativité sur la matérielle en laissant votre âme en jachère, c'est là qu'il fallait agir. Et j'ai réussi! vous voilà revenus en pleines guerres de religion, comme au bon vieux temps. En Mon nom, vous voilà de nouveau les armes à la main, le TNT en ceinture, et vous faisant exploser au milieu de vos compatriotes ! Comme vous avez perdu l'habitude de lire les Evangiles aussi bien que le Bible ou le Coran, vous y allez franco. A moi qui suis Dieu, qui suis le seul Dieu, vous me rendez ma place qui ne peut être que la première, Braves petits !