Tu honoreras ton père et ta mère... l'envie.
Ah, mes chers enfants, je n'ai pas fini de vous demander pardon. Ainsi, je vous ai ordonné d'honorer père et mère, c'était de nouveau un piège à vous tendu. D'abord, votre Père, c'était surtout Moi. Encore une fois, mon égo était aux commandes. Mais passons, vous avez pensé à vos géniteurs, et c'était bien normal. Alors, vous les avez honorés, vos chers parents : respect en toutes circonstances. Et chaque fois qu'ils vous faisaient une injustice, vous entriez dans le récit biblique comme exemples d'esprit obtus, de manque de générosité, de rébellion. Le fils prodigue, ça, c'est un apologue grandiose ! qui osera réclamer justice, après une chose pareille ? et la parabole des talents, c'est pas joli, ça ? vous me direz qu'il ne s'agit pas d'un père, mais d'un patron. C'est juste, mais l'amalgame était constant dans les sociétés rurales antiques. De tels récits avaient de quoi heurter votre sens de la justice, vous déstabiliser, mes pauvres enfants. C'est exactement ce que je cherchais, vous déstabiliser ! dans ce triste état, vous étiez fragiles, donc manipulables. C'est le seul moyen que j'avais trouvé pour vous tenir sous ma coupe, parce que vous tentiez toujours de m'échapper ! incapables de vous contenter de Ma loi, vous légifériez ! ma parole, vous aviez envie d'autonomie, de rationalité, de Droit, et de droitS. Je vous regardais vous engager sur les voies de l'indépendance et cela m'énervait. Alors, enfants révoltés, j'ai fait de vous des parents déviants. Si vous avez honoré vos père et mère, vous avez bien souvent déshonoré vos enfants, les traitant de tous les noms, les frappant souvent, les déshéritant, allant même jusqu'à violer vos filles ! bon d'accord, les filles, c'est presque négligeable ; l'essentiel, c'est qu'elles pondent, peu importe qui les a engrossées, ces croqueuses de pomme. Moi, je vous observais, satisfait, parce que, pour vos enfants, c'était de plus en plus difficile de vous honorer, forcément. Ça a quand même duré des siècles, voire des millénaires. Mais avec vous autres, on ne peut jamais dormir sur ses deux oreilles, fussent-elles divines. Les rancoeurs sommeillent en sourdine et puis, elles apparaissent au grand jour, dans une explosion soudaine. LES DROITS DE L'HOMME, voilà la bombe que vous avez inventée pour vous éloigner de moi encore un peu plus. Je vous demande un peu: est-ce que l'Homme a des droits ? toute vie humaine n'est-elle pas soumise à Ma volonté, à Mon jugement, à Mon bon vouloir ? et au nom de ces droits, vous avez coupé la tête du roi, le représentant de Mon autorité sur la terre de France ! franchement, j'attendais mieux... c'est aujourd'hui seulement que je reconnais mes erreurs. Avec ma manie de puissance, j'ai négligé vos sentiments et votre sens de la justice, toutes choses dont je vous avais dotés, évidemment. Les contradictions dans lesquelles je vous plaçais pour vous contraindre avaient fini par vous rendre fous de rage : vous ne me supportiez plus comme père, parce que vous ne supportiez plus vos papas. Pardon, mes chers enfants, pardon. Je suis nul comme père, et peut-être bien comme dieu, parce que au lieu de reconnaître mes erreurs, j'ai jugé malin de vous mettre dans les pattes, un brave docteur viennois, bien perturbé par moi et par son père, et qui s'est mis en tête de tout vous expliquer. Freud, il s'appelait. Je l'avais doté d'un sexe encombrant, pas tellement par sa taille, mais par sa propension à l'érectilité à répétition. Comme c'était un bon croyant, il s'est dit qu'il était coupable de ses envies, de son désir de sauter sa mère, laquelle, contrairement à un homme, n'était pas outillée pour violer son petit. Il aurait bien aimé, lui, le petit Sigismund. Comme il avait envie de se débarrasser de son engin encombrant, il a commencé par amputer son prénom : Sigmund, il est devenu. Pêché véniel, mais enfin, ses parents l'avaient choisi, son prénom ! manque de respect flagrant. Mais je ne lui en ai pas voulu, parce que, grâce à ses élucubrations analytiques, j'ai gagné encore quelques décennies de malaise dans vos coeurs, pauvres petits, et de contorsions pour tenter de vous accommoder de vos désirs d'émancipation en contradiction avec la découverte de votre totale dépendance... Il paraît que ça dure encore, d'ailleurs, malgré les protestations et les attaques. Ce sont les marchands de divans qui manoeuvrent en secret paraît-il !