Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque.
A te regarder, ils s'habitueront... René Char
Tu as vécu les temps héroïques, tu n'as pas hésité, pas une fois.
La honte n'était pas chose supportable.
Le doute n'était pas envisageable.
Tu marchais en tête: partisan, disait-on et trompe-la mort, inconscient, rebelle...
Tu as traversé tous les dangers, pris tous les risques.
Colosse et poète, les pieds dans la caillasse des chemins,
Le coeur saignant de compassion pudique, Tu te voulais libre, tu NOUS voulais libre.
Tes compagnons et toi, vous nous avez fait ce cadeau: la liberté.
Vous nous avez transmis cette exigence, l'égalité,
Vous nous avez donné cet exemple: la fraternité.
La chance, le bonheur, le risque. Une jeunesse au service, contre ceux qui se servent.
Une jeunesse forçant le respect, forte de sa liberté à conquérir, de son bonheur à bâtir,
Prête à affronte tous les risques.
Ils s'habitueront, disais-tu. Habitués, ils se sont endormis.
Les marchands ont eu raison de leur enthousiasme: fin des combats, consommez !
On ne parle pas la bouche pleine, on ne se bat pas non plus.
Ils se rêvaient résistants comme leurs pères, mais la guerre n'existait pas.
Ils s'installèrent, firent du lard et des enfants
Bien nourris, bien vêtus, bien divertis... bien éduqués ?
Chaque époque a les héros qu'elle mérite: aux uns Jean Moulin, aux autres Bill Gates.
Et la jeunesse laissée pour compte cherche des idéaux
On trouve toujours un idéal, quand on a vingt ans, même criminel, même dévoyé, même létal.
Les sans-culotte portaient le bonnet phrygien, les FFI le béret,
Les armes manquaient, pas le courage.
Les engagés d'aujourd'hui portent cagoule, sont surarmés, tuent pour tuer,
Sont aux ordres du grand capital.
L'ignorent-ils?
Ils ne veulent pas la liberté, ils veulent l'OR.
Pour ce bonheur-là, ils prennent tous les risques.
A les regarder, certains s'habituent, peu s'engagent.
Fin des temps héroïques..