L'arrivée de Siegfried
Maintenant, considérons le cas Siegfried. Il avait été élevé pour connaître le monde, pour connaître la vie, il ne possédait rien d'autre que son assurance, sa force et sa confiance en soi. Et de fait, sa force était immense, il possédait deux armes miraculeuses: une épée obéissante et un heaume d'invisibilité et sa richesse était légendaire, grâce au trésor des Nibelungen. De plus, il avait appris un métier ! C'est ainsi qu'il se présenta à la cour de Xanten, qu'il se montra, fit de tout cela étalage, raconta, parada... tout le monde disait: "ce Siegfried a de la chance, son bonheur est presque parfait... et ils nuançaient: presque !" Siegfried demandait: "Quoi ? pourquoi presque? qu'est-ce qui me manque encore?" et on lui répondait: "Ta, ta, ta... !"
-Mais dites-moi, insistait-il.
-Il te manque quelque chose de décisif.
-Quoi? Quoi?
-Il te manque une épouse. Là, il se sentit déstabilisé. Il prit conseil auprès de ses parents: "comment faire pour trouver une femme qui me convienne? Quelle femme voudrait d'un homme qui possède tout, sauf une femme?"
-Question idiote, dit son père, toutes les femmes voudraient un tel homme.
-Ça, je ne le jurerais pas, dit sa mère.
A la fin, voici ce qui en sortit: "il y en a une, peut-être la seule qui puisse convenir à Siegfried, la plus belle, la plus intelligente, la plus célèbre, elle s'appelle Kriemhild de Worms.
Siegfried se mit donc en route pour Worms, accompagné de douze de ses hommes. Il voulait demander la main de Kriemhild, mais il ne savait comment comment on demande la main d'une femme. Il y avait dans sa suite un chevalier réputé s'y connaître en demande en mariage. Il se tourna vers lui pendant que les autres montaient le campement.
-Il n'existe, hélas, aucune recette, dit le chevalier, il y a plusieurs méthodes.
-A peu près combien de méthodes?
-Autant de méthodes que d'hommes !
-Cela signifie que chacun a sa méthode ?
-Je le crois, en effet.
-Et où apprend-on sa propre méthode? demanda Siegfried.
-Cela ne s'apprend dans aucune école, répondit le chevalier.
-Ça veut dire que chacun doit se débrouiller tout seul ?
-Exactement, c'est ainsi...
Les jours suivants, Siegfried resta silencieux. Enfin, le dernier soir de leur voyage, alors qu'ils étaient proches de Worms, Siegfried interrogea de nouveau: "Je ne m'en sors pas, dit-il, c'est pourquoi je te le demande, toi, à ma place, que ferais-tu?
-Moi? dit le chevalier, j'irais voir le roi des Burgondes et je lui dirais: je suis Siegfried de Xanten, battons-nous en combat singulier; si je perds, vous recevrez tout mon royaume et si je gagne, que je vous tue, je prendrai votre royaume et Kriemhild, la belle jeune vierge en sus.
-Et quelle autre méthode ai-je à ma disposition? demanda Siegfried.
-Je n'en connais pas d'autre, dit le chevalier. Le lendemain, ils entraient dans Worms, montaient au château, traversaient le pont-levis et étaient accueillis par Gunther, Giselher et Gernot.
Et voilà que se referme le cercle de notre récit. Nous sommes de nouveau dans la cour intérieure du château. A droite, la tour, en haut la chambre et derrière le rideau, Kriemhild. Cette fois, nous voyons la scène d'un autre point de vue, c'est à dire par les yeux de Siegfried. Il ne sait pas qu'en haut de la tour, se trouve Kriemhild qui le regarde. Il descend de cheval ; Gunther, Gernot et Giselher viennent à sa rencontre pour le saluer. Très bien. Et Hagen von Tronje vient aussi à Siegfried, avec une mine réjouie ; à distance respectueuse, bien sûr: il est le vassal, non le seigneur.