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Des écrits poétiques et littéraires agrémentés de photos ou de tableaux et aquarelles... le monde sensible transfiguré par les mots et les couleurs.

Rue de l'Oriflamme...

Publié le 4 Juin 2014 par Nicole Fack in historiette

Après avoir résolu la tragique énigme de la rue Pétramale, Philonarde retrouva sa tranquillité d'esprit. Pendant plusieurs jours, elle ne pensa plus à aucun nom de rue et se consacra à son travail. Mais un soir, alors qu'elle écoutait à nouveau Beethoven et sa sonate Au Clair de Lune, la rue de l'Oriflamme lui revint à l'esprit.

Chacun sait ce qu'est un oriflamme. Ce nom a fait et fait encore rêver les enfants quand, évoquant le Moyen Age, ses châteaux, ses seigneurs, ses chevaliers, ils se voient en défenseurs de la veuve et de l'orphelin, ou en princesse à hennin attendant près de la cheminée, le retour de son Lancelot. Ce mot voisine avec créneaux, meurtrières et mâchicoulis, herse et pont-levis, cul-de-basse-fosse et destrier. Pas étonnant donc qu'il ait donné son nom à une rue fort ancienne, sise nom loin du Palais des Papes. Il s'agissait sûrement là du souvenir d'un quelconque déploiement guerrier et médiéval. L'ost avait dû passer par là, avec le bruit de ferraille que faisaient les armures, avec les chevaux caparaçonnés soufflant de leurs naseaux, avec le chant de fifres, peut-être, et le roulement des tambours, sans aucun doute. Philonarde, à priori, ne se posait pas trop de questions : trop évident.

Eh bien, elle avait tort. C'est ce qu'elle comprit en s'endormant. Cette petite rue ne porte ce nom que depuis 1947. Plus précisément, depuis le tout premier festival d'Avignon. On était tout juste après la guerre, dans un pays de totale pénurie et un certain Jean Vilar créait ce qui devait devenir une gigantesque fête du théâtre et qui n'était alors qu'une utopie de théâtre populaire. Difficile, dans l'état de dêche où étaient Avignon et la France tout entière, de se procurer le tissu nécessaire à la création d'une tragédie en costumes. Tout le monde s'y mit: le maire et ses conseillers, l'armée, les habitants. Scénographie simplifiée: la cour d'honneur avec son mur immense et sa fenêtre de l'indulgence serait le décor unique. Seuls quelques oriflammes brandis à la lumière des bougies et des quelques projecteurs trop rares indiqueraient la vaillance des nobles seigneurs et leur détermination.

Et ces oriflammes, c'est une petite couturière qui les réalisa dans les chutes de tissu coloré qu'elle avait mises de côté au fil des années (on ne sait jamais, n'est-ce-pas ?) Elle fournit donc à ce monsieur Jean Vilar les douze oriflammes dont il avait besoin et constata qu'elle en avait fabriqué treize. Qu'à cela ne tienne: Elle le fixa à la fenêtre du premier étage de sa maison. Il y resta des années, signalant l'atelier de couture; et puis, il s'effilocha et disparut laissant son nom à la rue.

Rue de l'Oriflamme... Rue de l'Oriflamme...
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