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nicolavignon.over-blog.com

Des écrits poétiques et littéraires agrémentés de photos ou de tableaux et aquarelles... le monde sensible transfiguré par les mots et les couleurs.

Philonarde poursuit ...

Publié le 26 Juin 2014 par Nicole Fack in Récit

RUE BOUQUERIE

-Je suis bookée, dit Philonarde.

-Bouquée, qu'est-ce que c'est que cette expression?

-Excuse-moi. Je suis surmenée; j'ai trop à faire, mon carnet de rendez-vous ne suffit plus à tout noter, il me faudrait quarante huit heures par jour...

-Hou ! Stop ! Je ne pensais pas que tu avais tant à faire. la plupart du temps, tu te promènes le nez en l'air.

-Justement. Il vaudrait mieux que je regarde le bout de mes chaussures; mais je ne peux pas; ces noms de rues me tracassent; ils se bousculent dans ma tête, ils sollicitent sans cesse mon attention, ils réclament interprétation.

-Et tu ne trouves pas?

Il m'arrive de trouver; mais c'est terrible. A peine une explication apparue, le soulagement s'évapore. Jamais, je ne peux savourer le bonheur de la victoire. A peine quelques minutes et hop, les autres recommencent à m'assaillir.

Pour se débarrasser de son stress, Philonarde s'en fut arpenter la rue Bouquerie qu'elle trouva pleine de gens affairés.

-Est-ce possible ? se dit-elle. Non, bien sûr, nos ancêtres n'étaient ni surbookés ni même bookés.

La rue Bouquerie se trouvait autrefois au coeur du quartier juif. C'est là que, chaque année, le bouc émissaire était chargé symboliquement de toutes les fautes commises et chassé à grands renforts de coups de baguettes et de vocifération vitupérantes. Le malheureux animal, faute de désert, se mettait à errer en ville; et, étant donné son odeur, nul ne pouvait ignorer sa présence. Les habitants incommodés sortaient à leur tour fouets et cannes pour pousser l'importun hors de la ville. L'animal, franchissant les remparts, finissait au bord du Rhône où il se mettait à brouter tranquillement l'herbe verte. On ne le mettait pas à mort, ce qui permettait de le réutiliser l'année suivante.

On raconte qu'une fois, une seule, un habitant irrité assassina le malodorant. Malencontreuse idée ! Il le dépeça péniblement, le chiffon imbibé de lavande ne suffisant pas à combattre l'horrible puanteur. Aucun tanneur n'accepta le pelage. Quant à la viande, elle était immangeable. Tous ces pêchés accumulés avaient sans doute fini par la contaminer !

Philonarde poursuit ...
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