Finalement, ils m'ont jugé. Mon avocat a fait remarquer qu'à part des discours, je n'avais rien fait de mal dans un pays où règne encore la liberté de penser ! On ne juge pas des intentions, dans un état de droit. Certes. Mais comme on voulait me mettre hors d'état de nuire, on a fait intervenir les experts psychiatres, et là, les interrogatoires ont succédé aux interrogatoires : on m'a cuisiné sur mon Père, sur mes pères,, personne ne voulait croire que je recevais mes ordres du ciel. Mon obstination les a bien aidés : Ce jeune homme présente tous les symptômes de la schizophrénie. Il a souffert de ne pas savoir qui est son véritable père: Joe n'était pas assez bien pour lui, le pharmacien l'avait rejeté; ne sachant plus à qui se vouer, il ne lui restait plus qu'à annexer Dieu lui-même. Il faut dire que la participation fréquente aux messes et prières avait ouvert une voie royale à ce délire. Ce sont les mots d'un des psychiatre. Les autres ne pensaient pas autre chose. En entendant ça, Maman s'est mise à hurler:
-Chris, je t'en supplie, arrête cette comédie, reconnais que tu as menti, que... mais elle fut éjectée de la salle d'audience par deux gardes. Je ne suis pas revenu sur mes allégations; si je l'avais fait, je devenais un dangereux activiste ayant organisé une bande d'illuminés dans le but de nuire à la société. Ce n'était pas mieux ! Quand on m'a donné la parole une dernière fois, je me suis adressé au Président, puis au publie, les bras ouverts, les mains et le regard tournés vers le ciel, et j'ai dit: nous sommes tous dans la main de Dieu, que mon Père vous pardonne et qu'il soit fait selon Sa volonté. Il y a eu des braves gens dans la salle pour répondre: Amen ! Ça n'a pas empêché le verdict de tomber : internement administratif. On ne m'a pas ramené en prison, on m'a amené à l'asile, avec des prétendus fous auxquels je raconte mes aventures et à qui je promets une vie bienheureuse auprès de mon Père qui, lui, ne m'a pas lâché !