-On va prier tous ensemble, Tantine, et si tu nous entends, tu prieras toi aussi. Donnons-nous la main et formons un cercle avec elle; Mado, approche-toi, mettons-nous à genoux. C'était un peu étroit, autour du lit de la malade, mais on y est arrivés. Je tenais sa main droite, Mado sa main gauche et nous étions reliés aux autres, la tête baissée, dans un grand recueillement. Je m'adressai à mon Père dans le langage simple que j'utilisais toujours quand je Lui parlais. Mado ne pleurait plus, elle avait posé sa joue sur la main de sa mère et murmurait: Maman, je t'aime, Maman, je t'aime, Maman, je t'aime... et tout à coup, elle s'arrêta. Moi aussi, je m'arrêtai. Nous nous sommes regardés, tous les deux, une interrogations à laquelle nous ne pouvions répondre... Mado avait, comme moi senti un frémissement. Nos regards se reportèrent sur le visage de la malade: ses cils semblaient frémir. Mon coeur qui était resté gonflé depuis que le rayon lumineux y était entré, reprit soudain sa taille normale. Ma tante ouvrit les yeux. Je compris que le rayon divin était passé de mon coeur au sien; elle était de nouveau parmi nous. Six hurlements de joie se firent entendre. Les infirmières accoururent, inquiètes, constatèrent que les yeux de ma tante étaient ouverts et coururent chercher le médecin en criant au miracle. Le docteur ouvrit la porte de la chambre à la volée, s'approcha à grandes enjambées et, nous toisant d'un regard glacial: Sortez tous, dit-il, c'est un vrai capharnaüm ici ! Nous avons obtempéré en traînant les pieds. Mado n'avait pas lâché la main de sa mère et riait en la regardant, semblant n'avoir rien entendu. Vous aussi, mademoiselle, poursuivit l'homme de l'art. Une infirmière la prit doucement par les épaules et la poussa jusqu'à nous qui sortions de mauvaise grâce.
-Attendez dans le couloir, il va faire les examens qui s'imposent et puis il vous rappellera, dit la brave femme. Le quart d'heure qui fut nécessaire pour "les examens qui s'imposent" nous sembla une éternité. Notre joie exaltée nous avait quittés et nous étions de nouveau inquiets. Quand le docteur apparut, un vague sourire flottait sur ses lèvres. Tantine était vraiment revenue parmi les vivants; il n'y avait aucune explication, mais il n'y en a jamais, alors...
-Non, non, elle ne va pas sortir maintenant. Nous la gardons sous surveillance par sécurité cette nuit et encore demain. Elle a été secouée, vous savez, mais je crois qu'elle ne présente aucune séquelle, et ça, c'est le plus étonnant. Rentrez chez vous, je vous appelle dès que je suis en mesure de la faire sortir. Mado obtint la permission de retourner dans la chambre pour embrasser sa mère. Elle put constater que tout allait bien. Dans le bus qui nous ramenait, nous chantions à tue-tête les vielles chansons de marche que nous avions apprises quand nous étions petits.