Ma tante était branchée ! Un bon mot de Lucas qui n'en loupait pas une. C'était impressionnant à voir, tout de même: des perfusions pour la nourrir et lui introduire des médicaments dans les veines, mais surtout une surveillance de l'activité cérébrale et un respirateur qui faisait un bruit saisissant. Elle semblait dormir, tranquille. A ses côtés, Mado, beaucoup moins tranquille, essuyait ses joues noyées de larmes. Merci d'être venus, dit-elle, j'ai essayé de lui parler, mais comme elle ne répond pas, je me sens donne et je m'arrête. Si elle ne se réveille pas, ça sera ma faute!
-Mais non, Mado, ton émotion est bien naturelle. C'est le premier jour, tu es bouleversée, mais tu vas te reprendre, tu as toujours été forte, il n'y a pas de raison que ça change, juste maintenant qu'elle a besoin de toi ! On va se relayer pour lui parler, ça te soulagera.
-Merci, Chris, je n'ai plus que toi, dit-elle en éclatant de nouveau en sanglots. Je m'approchai du lit, je pris la main de ma tante, elle était molle et pâle. Moi aussi, j'étais ému, je me raclai la gorge., et sur un ton très concentré, je dis: Bonjour, Tantine, c'est moi, Chris. Je suis venu avec mes copains pour te soutenir et t'empêcher d'abandonner Mado. On l'aime tous, Mado, on ne veut pas qu'elle soit malheureuse. Je sais que tu es tentée de rejoindre mon Père au ciel , et mon oncle, ton mari, que cela te reposerait; tu es fatiguée, pas vrai? C'est la raison de ton accident vasculaire, la fatigue; mais ne pars pas, accroche-toi à la vie, reviens parmi nous. Je fis signe à Lucas et je m'écartai un peu tout en gardant sa main dans la mienne. Lucas se mit à lui raconter nos projets, enfin, en gros. La main, dans la mienne était toujours aussi molle, mais je continuais de me concentrer sur sa chaleur. Ce fut ensuite le tour de Jeannot qui évoqua des souvenirs d'école maternelle, quand il jouait avec Mado. Marco prit la relève en lui disant des poèmes. Il était bien le seul qui avait toujours appris consciencieusement ses récitations et qui ne les avait pas oubliées... Mathias parla à son tour. Il évoqua le dernier naufrage de réfugiés en Méditerranée. Il était révolté, indigné, traitait les gouvernements de tous les noms, agonisait l'Europe. Si elle percevait quelque chose, la Tantine, elle devait se retrouver auprès de son grand-père, le militant communiste de la grande époque! Tu charries, là ! dit Lucas.
-Quoi, on ne se bat pas pour la justice? Toute cette stratégie que tu as décrite, ce n'est pas pour rétablir les droits de l'Homme, peut-être?... Il était temps que je reprenne la main.