Quand Maman a débarqué au commissariat, soutenue par sa soeur, elle n'était pas seule. Les autres parents étaient venus, eux aussi, récupérer leur progéniture. Evidemment, elle s'est fait agresser, comme si elle était responsable, la pauvre. Je me suis jeté dans ses bras, ou plutôt, je l'ai prise dans les miens, et je lui ai murmuré: t'en fais pas, Maman, je vais t'expliquer. T'occupe pas de ces imbéciles. Ils ne comprennent rien, enfin, pas encore, mais ça viendra... Mes copains avaient la tête basse, savonnés qu'ils avaient été par leurs pères. Je me suis tourné vers eux, avant de franchir la porte:
-N'ayez pas honte, mes amis, ce que nous avons fait était juste et le reste. Mon Père est fier de vous, et croyez-moi, nous avons encore beaucoup à faire!
-Il est dingue, ce mec, disaient les policiers qui avaient entendu les dépositions avec un certain effarement. Allez, circulez ! On vous convoquera chez le juge des enfants. Vous avez de la chance d'être encore mineurs. Mais, méfiez-vous, ça ne dure pas, ces trucs-là. Les parents m'invectivaient comme responsable de la déchéance de leurs "bambins"; je restais de marbre, tenant la main de ma chère Maman que ces offenses à mon endroit rendaient nerveuse. Elle allait exploser, je le sentais. Quand la mère de Marco se permit une remarque sur mon prétendu père, elle se jeta sur elle et la prit au colbac:
-Toi, tu te tais, dit-elle, sinon, je parle de son père au Marco ! C'est ça que tu veux, dis? L'autre se débattait , suffoquée, pour faire lâcher prise àMaman. Marco les sépara avec mon aide.
-Rentrons, dis-je, et retrouvons-nous demain dans le square, vous, mes amis, et vous aussi, les parents. Je vous promets de tout vous expliquer. Encore une fois, tout le monde m'écouta sans protester. Chaque famille se dirigea vers sa voiture et rentra. Maman ne pleurait plus, elle éclata même de rire quand elle monta dans la Twingo de sa soeur. Tu as vu comment je lui ai cloué le bec à cette grosse conne? C'est incroyable, quand-même, d'agresser mon fils comme ça. Elle connaît pourtant le proverbe: "maman bien sûr, papa peut-être" Les deux soeurs riaient à gorge déployée. J'étais inquiet tout à coup: Marco était-il vraiment comme moi? Maman riait de plus belle.
-Mais non, j'en sais rien, j'ai dit ça au pif. Tu sais, les filles abusées ne sont pas rares, et nous, on n'avait pas la pilule ! Et puis, le Marco, il n'a pas besoin de ça. Son père est rangé des voitures, mais je l'ai connu dans sa jeunesse, c'était une petite frappe pas très recommandable. Il a fait de la tôle, je ne sais pas vraiment pourquoi, mais sa femme, elle, elle le sait, alors, tu penses, elle ne tient pas à ce que les enfants l'apprennent !