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Les choses se sont donc gâchées pour moi quand la biologie est devenue la science reine. A priori, je n'ai rien contre: s'interroger sur l'origine de l'Homme ne date pas d'aujourd'hui, et comme les gens avaient tendance à éloigner Dieu de leur univers, il fallait bien trouver un substitut. C'est alors qu'entre en scène le Gène. Pas Gégène, notre voisin bistrot, non; le Gène, bientôt suivi de l'ADN. Les gens se sont mis à croire que tout était là. Certains congelaient du sperme de prix Nobel pour inséminer des femmes et faire proliférer les petits Albert: en Amérique, on pensait garder de cette manière, la supériorité scientifique. C'était plus économique que l'éducation des masses, pas vrai? Evidemment, les choses se sont passées insidieusement; mais, petit à petit, l'idée s'est répandue que l'Homme, comme la carotte, a des racines et qu'il faut à chacun, connaître son génome. Les savants se sont mis à tout séquencer, de la mouche à l'éléphant, du radis au baobab, en se disant que pour l'Homme, ce mammifère supérieur, que pour l'Homme, donc, ça serait drôlement plus coton. La surprise a été de taille quand on a constaté que le génome humain ne présentait guère plus de complexité que celui du cochon ! En tout cas, le mal était fait: les enfants adoptés se sont mis à chercher leurs vrais parents, au mépris de ceux qui s'étaient cassé le cul à les élever pendant des années et qui se voyaient relégués au rôle de simple fournisseurs de hotdogs. Psychodrames garantis dans les familles, pleurs des mères, angoisse des enfants, résistance de certains pays comme la France à ce délire, course au profit de beaucoup d'autres et fortunes colossales des laboratoires qui damaient (enfin) le pion aux psychanalystes... les gens que tout ce tintouin rendait cinglés n'avaient plus besoin de soins au long cours, il suffisait de les bourrer de médicaments.