Tu ne commettras pas l'adultère; la luxure !
Sur ce plan-là, évidemment, je suis hors concours. Pas comme Zeus, ce dieu libidineux ! Moi, je suis malin: pas d'épouse, pas de désir. Hi ! hi ! risque pas d'être pris en flagrant délit d'adultère, ni même de viol. Quoi que... si on croit vraiment que je suis trois en un, le Saint Esprit qui saute la jeune Marie, c'est tout de même un peu moi. Mais cela ne vous effleure même pas. Vous êtes gentils, au fond ; ou bien vous êtes tellement obnubilés par vos propres pêchés que vous ne voyez pas les miens. Mais là n'est pas le fond du problème. Ce qui compte, c'est ma perversité, encore une fois. Je vous ai fabriqués avec une libido encombrante, des désirs en tous sens, des yeux pour voir les beautés fessues, des oreilles pour entendre les voix flûtées, une peau sensible aux caresses, et je vous donne en même temps l'ordre de ne pas vous en servir. Le coup du jardin d'Eden réitéré à l'infini, en somme. Pas étonnant que vous succombiez à tout bout de champ. Je suis le manipulateur en chef des injonctions contradictoires... et j'en ai longtemps été fier. Quelle honte ! mais aujourd'hui, je vous demande pardon, à vous surtout, mes chères petites qui êtes si jolies, si courageuses aussi. Pendant des millénaires, je ne vous ai présentées que comme des perverses tentatrices et faibles, condamnées pour cela à souffrir en couches, à travailler sans relâche et à fermer vos gueules quand vos hommes, copies conformes de moi-même, vous violentaient. Dans ce grand mea culpa que j'entreprends ce jour, vous occupez une place privilégiée; pour tout dire, c'est par vous que j'aurais dû commencer. Mais, que voulez-vous, on ne se refait pas. J'ai beau savoir que la moitié des hommes sont des des femmes, j'ai du mal avec les genderstudies... d'ailleurs, je pratique mal le globish english, cette tentative de revenir aux temps antérieurs à la tour de Babel où tous les hommes parlaient la même langue et auquel j'ai mis fin pour relancer les guerres. Les guerres, aujourd'hui, pas besoin de les relancer, elles sont partout. Et c'est vous, les femmes, qui morflez en premier, avec vos petits, évidemment. Pourrez-vous jamais me pardonner les mariages forcés, les grossesses à répétition, les morts en couches, les enfants mis au monde dans la douleur et perdus à peine nés de maladie ou sur une plage de Turquie ? Ma légendaire bonté, mon célèbre amour universel semblent s'être égarés dans des méandres nauséabonds. Je crois bien avoir joui de vos souffrances. C'est le petit père Sade qui m'a ouvert les yeux le premier : en le voyant torturer les jeunes filles pour mieux bander, j'ai réalisé que, bien qu'immatériel, je prenais plaisir à vous voir souffrir. C'était il y a longtemps, déjà. Et j'ai mis du temps à passer de de cette première prise de conscience à la réprobation puis à la honte. Je suis un lent. Vous ai-je dotées d'assez d'aménité pour me pardonner ? je me le demande. J'ai vu les Hommes, les humains, opter plutôt pour la négation de mon existence-même. Après tout, le raisonnement se tient : un dieu aussi nul ne devrait pas exister ! c'est une question que Je Me pose désormais; ne devrais-pas en finir une bonne fois avec la question de l'existence de Moi ? mais comment en finir? Aucune idée de l'objet avec lequel un être immatériel comme Ma personne pourrait bien se suicider !!!
les femmes et leurs enfants, premières victimes...