Il est des mots qui flottent autour de ton enfance,
Tragiques, obscurs, et jamais éclaircis,
Des mots événements,
Brutaux, cruels, qui arrachent des larmes.
Grisou, mot de charbon, mot de la mine,
Emblème, en somme, de la misère du monde,
Surgit parfois et te raconte
La mort inéluctable du pauvre à gueule noire.
La mine nourrit, la mine tue.
La mine attire des migrants indigents,
Et puis elle les écrase sous les éboulements,
Les brûle en incendies,
Les explose à coups de grisou.
Chaque année, ton enfance est marquée
Par la liste des morts,
Par les deuils,
Veuves et orphelins en noir derrière des cercueils,
Et le pays ému par la fatalité.
Il faut produire pour relever la France,
Supporter la misère, la crasse tenace, la silicose,
Et puis les catastrophes: Marcinelle
Et la Chine.
Les enfants aujourd'hui ne vont plus à la mine,
Leurs pères pointent au chômage,
Les terrils deviennent espaces verts,
Et le pauvre, privé de son labeur cruel,
Regrette le grisou.