Aller de l'avant (XXXII)

L'enfance est faite d'odeurs:

Odeur de l'encre violette,

Du savon chaud des lessiveuses,

Des sous-bois humides,

De l'eau des cimetières et des fruits un peu blets.

L'odeur de sève sous les sapins et celle de la fumée...

L'enfant, petit animal, s'éveille en reniflant.

Odeurs perdues avec le temps,

Effacées par le progrès, réfugiées en souvenirs,

Vous savez revenir quand revient aux narines,

Le fumet du café matinal, venu des jours lointains

Où moudre le café se faisait à la main.

Seul luxe d'une famille pauvre,

C'était un rite sacré et pourtant quotidien,

Dont la mère, grande prêtresse, assurait la tenue.

Du four chaud, sortait le parfum des fruits cuits sur les tartes,

Indispensables compléments au breuvage béni,

Et qu'on offrait en grandes pompes comme d'autres le caviar.

Du four à torréfier, sortait l'odeur puissante du café que l'on grille,

Senteur subtile venue au-devant des écoliers rentrants,

Se précisant à chaque pas,

Annonciatrice d'inoubliables voluptés gustatives.

Odeurs perdues avec le temps, et toujours retrouvées,

Vous ramenez l'enfance et la ressuscitez,

Afin que chaque jour soit un nouveau matin.