Mime le forgeron
Diffivile de savoir, donc, quand le monde commençait. aussi ne sut-il pas quand il avait commencé. Le soir tomba et il pensait toujours ne l'avoir pas trouvé. Tout était pareil, sauf qu'il mourait de faim. Il se trouvait dans une forêt et entendait au loin le bruit que fait le fer quand il frappe sur du fer. Il atteignit une clairière et contempla le spectacle: des feux brûlaient et autour de ces feux s'agitaient des hommes couverts de suie, munis de gros marteaux dont ils frappaient des enclumes. Des éclairs fusaient. C'était une forge. Mais cela sentait bon la cuisine aussi. Une cloche retentit et une voix de femme appela:
-Venez, les hommes. le repas est prêt ! pommes de terre rôties au lard et aux oignons, rôti de porc et bière, en plus ! Venez, les hommes ! Alors, Siegfried entra dans la clairière et s'écria: "Eh, vous autres, est-ce que je peux manger et boire avec vous ? J'ai faim et soif. La femme a promis de belles choses et, franchement, je ne me vois pas rester dans la forêt à vous regarder !" Les hommes couverts de suie se plantèrent devant lui jambes écartées, et l'observèrent. Apparemment, ils ne voulaient rien lui donner. Puis, arriva un homme qui marcha sur Siegfried disant:
-Pourquoi ne te présentes-tu pas d'abord ? La politesse exige qu'on donne d'abord son nom.
-Je suis Siegfried.
-Et moi, je suis Mime. Ces forges m'appartiennent. Il y a bien à manger chez nous et à boire aussi, mais pour manger et boire, il faut travailler. C'est la coutume. Tu veux travailler?
-Oui, bien sûr ! qu'est-ce que travailler ? demanda Siegfried. Les autres se mirent à rire. Les hommes noirs, les compagnons, s'approchaient de lui: il ne sait pas ce que c'est que travailler !!!. Siegfried, riant avec eux, leur dit:
-J'aimerais bien le savoir, dites-le moi.
-Vois-tu Siegfried, dit Mime le forgeron, dans le monde, un homme n'est considéré que s'il a un métier.
-Le monde ? mais c'est là que je veux aller, dit Siegfried avec enthousiasme, dis-moi ce qu'est un métier, apprends-moi ce métier ! ensuite, je pourrai manger et boire ? Ils riaient tous, faisant un tel vacarme que Mime lui dit:
-Peut-être que je peux t'apprendre notre métier. En attendant, mange et bois!.. Ce Siegfried lui plaisait; Il voyait bien qu'il était fort et une forge a besoin d'hommes forts. Tout professeur - et Mime se sentait professeur - a une ambition. C'est de trouver un élève qui le surpasse, lui le maître. Voilà le voeu d'un bon professeur. Mime le forgeron se disait: c'est un devoir de forger la force brute de ce jeune homme. Lorsqu'ils eurent mangé et bu, il dit:
-Siegfried, écoute, nous voudrions que tu nous montres ce dont tes muscles sont capables. Il fit apporter un marteau le plus gros, le plus lourd dont il disposait et conduisit Siegfried à la plus grande, la plus lourde enclume. On fit passer le marteau à Siegfried; il était si lourd qu'il fallait deux compagnons pour le porter mais dans la main de Siegfried, on aurait dit un jouet. Ensuite, les compagnons traînèrent jusqu'à lui un énorme morceau de fer incandescent. C'est du fer, de la fonte, enfin, du fer en fusion, mais c'est dur, tout de même. Comprends-tu? Il te faut le travailler. Montre-nous ce que tu sais faire. Siegfried demanda:
-Est-ce cela qu'on nomme un métier, taper de toutes ses forces ?
-Oui, dit Mime, de toutes ses forces, cela s'appelle un métier.
-Bien, dit Siegfried. Les compagnons ricanaient et se poussaient du coude. Voyons un peu ce qu'il sait faire, le nouveau !!!
Siegfried prit le marteau, se concentra, rassembla toutes ses forces dans ses bras, souleva l'outil et frappa. Le manche du marteau vola en éclats, le fer incandescent s'envola et à la place de l'enclume, il n'y avait plus rien: elle s'était enfoncée dans le sol...