Ce matin de dimanche, Philonarde se rend aux Halles pour y acheter quelques légumes frais et du pain. Elle adore le boulanger qui propose des farines diverses, plus ou moins bises, jusqu'à la farine de maïs ou de châtaigne. De grosses miches à la croûte épaisse et croustillante dont on peut acheter un morceau. Un régal ! Le vent s'est levé pendant la nuit, un début de mistral qui dégage le ciel et rafraîchit le printemps. Mais Philonarde ne se plaint pas du vent qui fait voler son écharpe et les pans de son manteau. En bonne Parisienne, elle ne cesse de s'émerveiller du ciel bleu intense et du soleil qui lui sourit. Comme toujours, elle lève son regard à chaque croisement pour lire le nom des rues et sourire de les retrouver si étranges. Voici la rue de l'oriflamme. Evidemment, on n'y trouve aucun drapeau. La jeune femme observe les maisons, le mince trottoir, les rares passants. Une rue calme en ce dimanche et qui doit l'être toujours, puisqu'on n'y voit aucune boutique. Elle se concentrera ce soir sur cet oriflamme. En l'évoquant dans son demi-sommeil, elle risque de voir quelque chose comme une explication...
Avant d'entrer dans les Halles, Philonarde décide de faire un peu le tour du quartier. Il compte des rues qu'elle ne connaît pas encore, des recoins enchevêtrés, des venelles débouchant sur des placettes obscures encombrées de poubelles que malmène le mistral qui forcit décidément. Rue du Roi René se trouve le Théâtre des Halles, lequel occupe une ancienne chapelle et donne sur un espace ombragé. Pas de spectacle aujourd'hui, puisqu'aucune affiche. Philonarde dépasse l'entrée close du théâtre et avise une porte pratiquée dans le mur, au fond de ce qui n'est pas vraiment un jardin. Curieuse, elle franchit cette sorte de seuil et débouche dans un jardin, un vrai, celui-là, où s'épanouissent en nombre de magnifiques iris bleus. Tout cela bruisse et se penche au vent du Nord. Une partie du jardin a été aménagée avec des jeux pour jeunes enfants, et une autre grille permet d'accéder à la rue, la rue, la rue... il n'est pas toujours simple de trouver la plaque ! Ah, voilà ! rue Pétramale, lit-elle en arrivant au coin de la rue des Lices. Encore un nom étrange ! Philonarde la parcourt sur toute sa longueur. C'est une rue étroite et sinueuse où volent des détritus arrachés par le mistral aux poubelles mal fermées. Certaines maisons sont de facture intéressante, mais on manque de recul pour apprécier leurs façades. Philonarde sourit: difficile de s'adonner à l'ostentation dans de pareilles ruelles ! Quoi qu'il en soit, il faut faire le marché. L'Oriflamme et Pétramale attendront.