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Des écrits poétiques et littéraires agrémentés de photos ou de tableaux et aquarelles... le monde sensible transfiguré par les mots et les couleurs.

Ah, mon père !

Publié le 11 Mars 2014 par Nicole Fack

J'aurais dû me méfier: mes compagnons, dès leur retour, se jetèrent sur leurs ordinateurs et firent part du "miracle" sur Facebook. Ils avertirent leurs amis et connaissances ainsi, bien sûr que le parentèle... je n'avais pas pensé à leur recommander la discrétion. Les journalistes locaux rappliquèrent, puis les nationaux et la télé. Tous trop heureux de l'événement, dans une période où ils devaient se contenter des photos de baignades et d'entretiens avec les étrangers de passage, priés de louer l'accueil chaleureux de notre belle province... Un miracle, pensez donc ! Ce n'est pas tous les jours, surtout dans nos contrées déchristianisées... quelque part, ils étaient tous contents de faire la nique aux islamistes. Ces imbéciles qui ne comprenaient rien, vantaient le valeureux "Français" aimé de Dieu qui avait sorti une femme du coma, tandis que les adeptes de l'islam ne savaient que poser des bombes. Evidemment, les voisins originaires du Maghreb commencèrent à nous faire la gueule et certains qui nous suivaient depuis le début de l'aventure se mirent à nous en vouloir. J'eus toutes les peines du monde à remettre les choses en place: mon Père était le dieu de tous, il aimait tous ses enfants et avait besoin de tous pour faire revenir sur terre la Vérité et la Fraternité.

C'est à peine si j'avais eu le temps de le remercier, mon Père, et je n'avais pas une minute à moi pour le consulter sur la suite à donner aux événements. Avec les journalistes, je restais dans le vague, attendant tout simplement que le soufflé retombe. Il retomba dans les médias, mais pas dans la population. Les gens se sont mis à lire tout ce que les compagnons avaient écrit sur les réseaux sociaux: notre détermination à n'être plus pieds et poings liés à la finance, notre soif de Vérité, notre appel à organiser des échanges non marchands. Dans chaque ville, on s'organisait, certaines battaient monnaie, même. Les gens prenaient leurs vélos et roulaient dans la campagne à la recherche d'agriculteurs authentiquement bio, non affiliés aux enseignes dominantes; ils achetaient leur lait directement aux fermiers, lesquels refusaient désormais de vendre aux intermédiaires des groupes agroalimentaires. Ceux qui employaient encore des pesticides, des engrais industriels prirent peur. Ils se convertirent dare-dare et renvoyèrent les démarcheurs de Monsanto. Notre modeste petite région montrait l'exemple et faisait tache d'huile. Nous exultions. Les banquiers (les usuriers devrait-on dire) enrageaient. Je ne doutais pas un instant que mon Père me soutenait. L'explosion de ce monde vénal et pourri approchait, Jules piaffait, il insistait pour mettre le feu immédiatement, je le modérais. Il me semblait que la rentrée de septembre serait un moment plus approprié.

Ah, mon père !Ah, mon père !
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