J'attrapais mes quinze ans et quelques boutons. Mon sang de petit jeune homme était en mouvement, je le purgeais par une masturbation de plus en plus véhémente, mais le remède ne semblait guère efficace. Les autres garçons faisaient les jolis coeurs auprès des filles, ils commençaient à les embrasser, se vantaient de faire plus, les emmenaient danser... pas de risque que j'en fasse autant. Avec quoi aurais-je offert un diabolo menthe à une charmante, je vous le demande? Pour se moquer de moi, ils m'appelaient l'abbé; évidemment à cause de ma fréquentation régulière de l'église. Je prenais des airs pénétrés, comme un qui aurait considéré de haut ces bassesses auxquelles s'abandonnaient mes congénères, mais au fond de moi, j'enrageais. Heureusement, j'avais Mado, ma cousine. C'était une fille bien faite, de deux ans mon ainée, avec une poitrine qui gonflait son corsage et des jupes courtes qui volaient au vent. Mado était tout sauf prude. On la voyait rire avec les gars du quartier et je savais qu'elle sortait par la fenêtre le samedi soir pour aller danser sans autorisation. Elle faisait jaser, ça lui était égal, à moi aussi. Je la regardais de loin, je la trouvais belle. Sa mère était la soeur de Maman, mais nous ne nous fréquentions pas vraiment. Les invitations, tout ça, c'est des trucs de bourgeois! Mais parfois, Maman était invitée pour le café. Le père était le plus souvent absent, les frères couraient les rues, j'étais le seul disponible pour l'accompagner. Je l'accompagnais. Cela me permettait de croiser Mado, de lui faire les deux bises réglementaires, et d'être effleuré, les jours de chance, par son corsage bien rempli. Il n'en fallait pas plus pour me mettre la tête à l'envers! Je ne sais pas si je l'aimais, mais j'avais envie d'elle, c'est sûr. Un dimanche après-midi, j'accompagnai Maman chez sa soeur. Mado était là et, contrairement à son habitude, après les bisous de salutation, elle ne s'éclipsa pas en disant " je sors avec Jacqueline!" Elle prit un café avec nous, grignota comme moi un biscuit, puis elle dit tout à trac:
-Viens donc te promener avec moi le long de la rivière, au lieu de rester avec les mères!...Je ne savais pas quoi répondre. Je la regardais la bouche ouverte, comme un poisson qui cherche sa respiration, puis je regardai ma mère qui opina:
-C'est vrai, ça, va donc te promener avec ta cousine, pour une fois qu'il fait beau un dimanche. Je me levai parce que Mado me tirait par la main qu'elle avait saisie avec autorité. En dépliant mon grand corps maladroit, je renversai ma chaise, mais elle ne me lâchait pas: laisse donc! Elle riait et je me mis à rire aussi, pour faire comme elle, mais je ne savais pas très bien pourquoi je riais. Je me rendis compte que c'était la première fois que je tenais sa main. Je n'en revenais pas!